Notes et rapports

La direction des études : un nouveau dispositif d’accompagnement peu connu des étudiants – Rapport de recherche de l'Open Lab In'Pact

Créée pour jouer un rôle clé dans l’accompagnement des étudiants et la coordination pédagogique, la figure du directeur d’études est pourtant encore assez méconnue de la communauté étudiante. Comment cette fonction est-elle définie et perçue par les étudiants ? En s’appuyant sur des entretiens semi-directifs, l’Open Lab In’Pact a enquêté sur la perception des directeurs d’études du point de vue de 16 étudiants de la licence de sociologie de l’université de Bordeaux. Ce rapport de recherche éclaire les contours de cette mission, entre réalités du terrain et perspectives d’évolution.

Contexte

Depuis septembre 2022, la licence de sociologie de l’université de Bordeaux a été entièrement refondée, à la suite de plusieurs constats formulés par l’équipe enseignante et des retours des étudiants en conseil de perfectionnement. Cette nouvelle organisation repose sur un découpage temporel des enseignements en séquences associées aux Blocs de Connaissances et de Compétences (BCC), l’instauration de nouveaux rôles pédagogiques (comme celui de directeur d’études), la mise en place d’une semaine d’intégration pour accueillir les nouveaux étudiants chaque année, ainsi que la proposition d’un large éventail d’enseignements au choix permettant aux étudiants de personnaliser leur parcours.

Sollicité par l’équipe de sociologie, l’Open Lab In’Pact a réalisé une enquête visant à étudier cette refonte, durant ses premières années de mise en œuvre. Pour cela, nous avons, dans un premier temps, étudié les traces documentaires du projet et réalisé un entretien avec les quatre enseignants les plus impliqués dans cette refonte. Dans un deuxième temps, nous avons observé la semaine d’intégration de septembre 2023. Enfin, sept mois après, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs avec 16 étudiants de la promotion de L1 2023-2024, pour échanger sur leur arrivée à l’université et leur intégration dans cette licence de sociologie. Au cours de ces entretiens, nous avons discuté à la fois de leur environnement d’études, de leur parcours de formation et de leur manière d’apprendre à l’université.

Au fil de ces entretiens, nous avons parfois été amenés à fournir quelques informations sur la formation lorsque les étudiants n’en avaient pas connaissance, afin de recueillir leurs réflexions sur ces dispositifs. C’est le cas par exemple du rôle des directeurs d’études, souvent méconnu. Une partie de leurs réactions à ces nouveaux éléments est consignée dans ce rapport.

Nous nous intéresserons ici spécifiquement au rôle de la direction des études, nouvellement arrivé dans les universités.

1. La direction des études : un dispositif d’accompagnement réglementaire relativement récent

Introduit avec la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et la réussite étudiante (loi ORE), le directeur d’études détient « un rôle général de référent auprès des étudiants et une mission d’interface avec les composantes, les équipes pédagogiques, les services de scolarité et d'appui à la formation, ainsi que les observatoires de l'université »1.

Au sein de la licence de sociologie, trois directeurs d’études ont été définis à la rentrée 2023, chacun ayant un champ d’action spécifique :

  • Directeur d’études pour l’orientation (aide et suivi pour le choix des enseignements) ;
  • Directeur d’études pour le service PHASE (élaboration des contrats pédagogiques et lien avec le service PHASE, service dédié à l’accompagnement des étudiants à besoins spécifiques) ;
  • Directeur d’études pour l’accompagnement (soutien lié aux difficultés du quotidien des étudiants)2.

Ces directeurs d’études ont notamment été mis en place pour répondre à certains constats identifiés par les enseignants et les étudiants : des difficultés à favoriser l'intégration et l’affiliation dans la licence ainsi qu’un besoin d’accompagnement de la part des étudiants.

2. Des rôles méconnus, absents du discours des étudiants

Ces rôles, nouvellement mis en place, sont peu connus des étudiants. Lors de nos entretiens, aucun étudiant n’a mentionné spontanément le terme de directeur d’études, lorsque nous parlions de leurs interlocuteurs au sein de la licence. Une fois le terme évoqué par la personne ayant mené les entretiens, ces directeurs d’études restent abstraits, voire inconnus : « ça me dit un truc mais je ne peux pas dire ce que c’est » (E4), « ça ne me dit rien du tout » (E9), « je ne sais pas du tout » (E2), « dans mes mails je le vois des fois » (E8), « les pauvres, on ne les connaît pas » (E9).

Ce constat rejoint les résultats d’une autre enquête, menée par l’Observatoire de la Formation et de la Vie Universitaire de l’université de Bordeaux en collaboration avec l’Open Lab. Dans cette enquête, 1 671 étudiants ayant réalisé une L1 à l’université de Bordeaux en 2021-2022 mais ne s’étant pas réinscrits en 2022-2023, ont été interrogés via un questionnaire en ligne. L’objectif était de comprendre les raisons de cette sortie, en questionnant leur expérience à l’université. Ces étudiants étaient notamment questionnés sur leur connaissance des dispositifs d’accompagnement des étudiants, parmi lesquels figuraient les directeurs d’études. Seulement 17 % (290 étudiants) déclarent connaître ces directeurs d’études et parmi eux, 28 % (81 étudiants) répondent les avoir sollicités.

3. Le directeur d’études : un terme polysémique qui questionne et impressionne

Le terme même de directeur d’études interroge les étudiants. La plupart n’en connaissent pas la définition : « C'est le chef des études menées ? C'est ça non ? » (E7) « Elle m’a dit directrice, mais je pensais directrice de l’établissement. » (E8) Certains se sentent intimidés par l’idée de direction : « Directeur d'études, déjà le nom fait peur, tu me dis tu vas aller voir le directeur d'études, ça fout un peu les pétoches. » (E7)

Instinctivement, ils n’associent pas ce terme à de l’accompagnement, mais plutôt à un rôle de gestion ou de direction globale de la licence : « J’aurais tendance à dire que c’est pareil que directrice, mais s'il y a deux rôles différents c'est que ça ne doit pas être la même chose. » (E13) « Je dirais que c’est celui qui s'occupe de gérer la licence, de gérer les cours, de l'organisation du cursus ? » (E15) « C'est un conseiller ? J’aurais dit conseiller. » (E7)

Le terme d’études questionne également. Pour ces étudiants en sciences humaines, ce terme est polysémique : « Ça peut être deux choses, soit quelqu'un qui est centré sur l'orientation des études dans ce qu'on apprend, soit quelqu'un qui est centré sur les études qu'on fait, sur les enquêtes. Mais je ne sais pas trop. » (E9)

Au final, les étudiants se questionnent quant à l’aide que les directeurs d'études peuvent apporter : « Est-ce que vous savez s'il y en a un qui nous aide par rapport au stage ? » (E9) « On peut aller les voir pour leur demander pour l'année prochaine d'établir nos plannings en fonction de notre travail ? » (E14) « Je me posais des questions sur les absences en TD. » (E15)

4. Des enseignants tout de même identifiés comme interlocuteurs privilégiés, lorsqu’ils sont connus de l’étudiant

Ces rôles de directeurs d’études sont endossés par trois enseignants de la licence de sociologie. Bien que les étudiants ne connaissent pas cette étiquette de directeurs d’études, ils identifient néanmoins les enseignants qui ont ce rôle comme des interlocuteurs privilégiés. Ce sont eux qui sont mentionnés spontanément lorsque l'on demande aux étudiants vers qui ils se tourneraient en cas de difficultés à l’université, ou dans leur choix d’orientation. Sans identifier formellement leur statut, ils en reconnaissent néanmoins le rôle d’accompagnement : « Elle a insisté sur le fait de : "venez me voir si vous avez un souci à la fac". Mais je pensais qu'elle disait ça parce que c'était notre prof […]. Je ne savais pas qu'elle était directrice d’études. » (E4) « C'est [nom du directeur d’études] et je ne sais pas pourquoi, c'est sa personnalité je pense, mais j'irai plus vers elle si j'ai un problème. » (E9) « Après je sais qu'il y a un prof aussi qui s'occupe de l'orientation. Lui je l'avais en cours, donc il nous avait dit que si on avait un problème d'orientation on pouvait aller le voir, mais directeur d’études… non. » (E4)

Cependant, cette reconnaissance se limite aux étudiants ayant suivi des cours avec ces enseignants. Puisque ces derniers dispensent exclusivement des enseignements à choisir parmi une vingtaine d’autres enseignements, ils ne rencontrent pas l’ensemble de la promotion et restent donc inconnus pour l’autre partie des étudiants : « Je ne sais pas qui c'est, mais donc en fait c’est des profs quoi ? » (E7)

On distingue ainsi les étudiants n’ayant pas d’enseignement avec ces directeurs d’études, de ceux les ayant rencontrés grâce à leurs choix de cours. Parmi ceux ne les connaissant pas en tant qu’enseignants, certains ont du mal à identifier une personne susceptible de répondre à une problématique spécifique, qu’elle soit liée à des difficultés personnelles ou à l’orientation : « je ne sais pas vers qui me tourner » (E9), « Il me semble qu'il y a un service de la fac qui est proposé mais je ne sais plus. » (E15)

À l’inverse, ceux ayant suivi un enseignement avec la directrice d’études pour l’accompagnement, ou avec le directeur d’études en charge de l’orientation, les identifient facilement comme des interlocuteurs privilégiés en cas de besoin : « J’ai une prof avec qui je fais l’UE [enseignement dispensé par la directrice d’études pour l’accompagnement], elle nous a dit : "si vous avez un souci, si vous avez un souci avec un prof, si vous avez un souci dans la fac, n'hésitez pas, envoyez-moi un mail". Vraiment je trouve qu’on est bien suivis. » (E4) « Là, au deuxième semestre, en [enseignement dispensé par la directrice d’études pour l’accompagnement], j’ai… je ne sais plus son prénom… […] mais j’irai vers elle si j’ai un problème. » (E9)

L’enseignant chargé de la direction des études pour le service PHASE ne concerne pas l’ensemble des étudiants de la promotion, mais seulement ceux ayant besoin de solliciter ce service. Il n’a pas été mentionné dans les entretiens, même par les étudiants en lien avec le service PHASE.

5. La présentation des directeurs d’études et de leurs rôles : une information parmi tant d’autres à l’arrivée à l’université

D’après les étudiants, les rôles des directeurs d'études ont sûrement été présentés en début d’année, mais sont noyés parmi un ensemble de nombreuses informations. Cela contribue à un souvenir flou de leurs fonctions : « Je sais qu'elle s'est présentée à la pré-rentrée, mais je ne me souviens pas exactement de ce qu'elle a dit. Je pense que je l'ai noté à ce moment-là, mais maintenant ce n'est plus dans ma tête. » (E12) « C'est vrai qu'il y a beaucoup de statuts différents et de directeurs de plein de choses, de responsables, etc., je n'ai pas réussi à suivre. Je me dis, bon bah c'est un prof et on verra bien. » (E9)

De plus, les étudiants ont souligné le besoin d’un rappel de ces fonctions tout au long de l’année pour en saisir l’utilité concrète : « S'ils n'en reparlent pas après, nous au début de l'année, on ne sait pas vraiment si on va avoir besoin d'aller voir ces gens-là. Je pense que c'est à partir du deuxième semestre, ou juste avant le deuxième semestre, qu’ils devraient commencer à proposer ce genre de choses. » (E14)

Au final, en arrivant à l’université, les étudiants ont dû découvrir un système global qui leur était inconnu et en comprendre les règles, les attentes, etc. (Coulon, 1997). Dans ce contexte, le directeur d’études peut facilement passer au second plan pour ces nouveaux étudiants.

Certains expliquent ne pas s’être intéressés à ce rôle, car il ne répondait pas à leurs questionnements immédiats : « Je ne m’y suis pas intéressé, pas parce que je ne veux pas, mais parce que je n’en ressens pas le besoin. » (E1) « Pour l'instant non [il n’a pas ressenti le besoin de contacter les directeurs d’études], puisque je sais ce que je veux faire. Mais c'est vrai que plus tard… Déjà là je commence à me poser la question. En plus, moi je suis quelqu'un de très paniqué, je panique très, très facilement concernant mon futur professionnel, donc je pense que ça m'aiderait beaucoup, d'aller voir quelqu'un pour m’aider. » (E7)

D’autres ont préféré se tourner vers des interlocuteurs jugés plus accessibles pour obtenir de l’aide : « La facilité c’est d'abord les copines, c'est beaucoup plus simple de leur demander, à elles, si elles ont compris. » (E8) « Je serais allée vers [la gestionnaire des L1], je pense qu'elle m'aurait redirigée vers les personnes en question. » (E15) « Ce dont on entend le plus parler, c'est notre secrétaire. » (E8) Certains avouent même n’avoir « jamais osé leur envoyer un mail » (E8).

6. Un intérêt manifeste pour les directeurs d’études

Cependant, lorsque nous avons présenté les rôles de la direction d’études lors des entretiens, la majorité des étudiants se sont montrés curieux et intéressés par cette fonction : « J'aurais su ça, peut-être que je serais allée les voir plus tôt, je pense que j'irai les voir d'ailleurs. » (E7) « C’est bien qu'elle gère les problèmes en dehors du scolaire, […] je pense que pour l’année prochaine j’en aurai besoin. » (E11) « Là c'est super ! Si pour toutes nos questions on peut s'adresser à quelqu'un, c'est chouette. » (E3)

Les étudiants s’intéressent à ces interlocuteurs et se questionnent sur l’organisation pratique de leurs rôles : « Je ne pensais pas que c'était aussi facile. Que, si j'avais le moindre problème, je pouvais leur envoyer un message, je n'aurais pas pensé que c'était à ce point-là. » (E8) « Ça ne me serait pas venu à l'esprit de me dire qu'il peut m'orienter en dehors de mon choix de matières. » (E5) Concrètement, ils se demandent où trouver ces directeurs d’études et les informations à leur sujet : « J'imagine que ça doit déjà être dans le bâtiment de sociologie, j'espère quand même. » (E14)

Conclusion

En conclusion, ce rôle de directeur d’études, encore récent, semble ne pas encore être complètement implanté dans l’environnement de l’étudiant. Face aux nombreuses nouveautés liées à l’entrée à l’université, ces fonctions, sans véritable équivalence au lycée, apparaissent à la fois nécessaires et abstraites.

Nous observons plusieurs éléments faisant obstacle à l’identification et la sollicitation de ces directeurs d’études par les étudiants. Du fait de son appellation, le directeur d’études impressionne et crée des confusions. Les étudiants l’associent parfois au directeur de la licence, ou encore à un possible responsable des enquêtes scientifiques.

Leurs rôles restent abstraits, les étudiants ont du mal à identifier dans quels cas s’adresser à eux et, concrètement, comment les contacter. Face à la quantité de nouvelles informations, de nouveaux rôles et de nouveaux rituels lors de l’entrée à l’université, la présentation de ce dispositif d’accompagnement est souvent oubliée et mériterait d’être rappelée plusieurs fois dans l’année (notamment au début du second semestre ou après les résultats aux examens).

Cependant, une proximité avec les enseignants endossant ces rôles, notamment par le biais de leurs cours, permet aux étudiants de les identifier comme des interlocuteurs privilégiés sur des thématiques spécifiques. Mais cela a également pour effet de créer une différence de représentation avec les étudiants n’ayant pas cours avec ces directeurs d’études.

Malgré ces obstacles, les entretiens montrent un réel intérêt des étudiants pour ces missions. Une fois leurs fonctions expliquées, ils se disent satisfaits d’avoir cette ressource à disposition, s’ils en ressentent le besoin.

Notes

  • 1. Arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence.
  • 2. Cette présentation des trois directeurs d’études est extraite de la page Moodle du Secrétariat de sociologie, accessible à tous les étudiants de la licence.

Références

  • Coulon, A. (1997). Le métier d’étudiant – L’entrée dans la vie universitaire. Paris : Presses universitaires de France.

Résumé

Depuis la loi ORE de 2018, l’université a introduit un nouveau rôle, celui de directeur d’études. Ce dernier est défini comme un référent pour l’étudiant, facilitant le lien avec les différentes composantes de l’université. En licence de sociologie à l’université de Bordeaux, à la rentrée 2023-2024, trois directeurs d’études ont été désignés parmi les enseignants, chacun ayant un rôle d’accompagnement sur des thématiques spécifiques.


Malgré un intérêt noté de la part des étudiants, ces directeurs d’études restent peu identifiés et peu sollicités par ces derniers. L’appellation même de directeur d’études rend ce rôle abstrait et impressionnant, souvent perçu davantage comme un rôle de gestion ou de direction que d’accompagnement. Pour les étudiants entrant à l’université, ces rôles apparaissent secondaires à leur compréhension de ce nouveau monde, et sont donc souvent oubliés au bénéfice d’autres informations qui viennent répondre à leurs problématiques immédiates. Néanmoins, ceux ayant des interactions avec les enseignants en charge de cette direction des études les identifient comme des interlocuteurs privilégiés, mais cette connaissance reste limitée aux étudiants ayant suivi leurs enseignements, laissant une partie de la promotion en dehors de cette dynamique.

Auteurs


Léa Beaumatin

lea.beaumatin@u-bordeaux.fr

Affiliation : Université de Bordeaux

Pays : France


Christophe Roiné

Pays : France

Pièces jointes

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