Mise en œuvre de l’approche par compétences pour les expérimentations de biochimie pour les étudiants de licence
Apprendre à mettre en valeur ses compétences est un enjeu crucial pour un étudiant aux portes du marché du travail. Cet article nous décrit avec précision un exemple de mise en place de l’approche par compétences, mettant au cœur de la situation pédagogique – au-delà des connaissances elles-mêmes – le savoir-agir des étudiants, autrement dit, ce que les étudiants apprennent à faire avec ces connaissances. Appropriation du référentiel de compétences, mise en place de situations d’apprentissage et d’évaluation authentiques, constitution d’un e-Portfolio, auto-évaluation et enquête de satisfaction auprès des étudiants sont au cœur de ce retour d’expérience dont la communauté pourra largement s’inspirer.
Introduction
Suite aux recommandations du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de réformer les cursus afin d’améliorer la réussite au premier cycle, d’encourager et de diversifier les modes de professionnalisation et d’utiliser des approches pédagogiques innovantes pouvant solliciter de nouveaux usages numériques, notre université codéveloppe avec deux universités partenaires – l’Université de Picardie Jules Verne et l’Université du Littoral Côte d’Opale – le projet pluriannuel Licences Compétences en Réseau (LCeR). Le projet est financé par l’Agence Nationale de la Recherche, ANR, Programme d’investissements d’avenir, PIA3, Nouveaux Cursus à l’Université, NCU 2018 (https://www.u-picardie.fr/pia3lcer/). L’objectif du projet LCeR est de transformer progressivement, au cours de dix années académiques, l’offre de formation du premier cycle, d’adopter progressivement une approche par compétences (APC) pour tous les diplômes de licence et d’inclure de l’hybridation.
Les expérimentations (travaux pratiques, TP) constituent une part importante de la formation en Sciences de la Vie et sont en général intégrées dans les unités d’enseignement (UE). Une UE peut inclure des cours (sections de 150-200 étudiants), des travaux dirigés (32-36 étudiants) et des TP (12-16 étudiants). Dans la plupart des cas, les TP de biochimie durent 3 à 4 heures et sont programmés chaque semaine. Dans une précédente publication, nous avons expliqué l’intérêt de combiner plusieurs TP, réalisés de manière indépendante au cours de l’année universitaire et parfois dans différentes UE, et de tenter de mimer un environnement de recherche (Karamanos, 2014). C’est ainsi que nous avions décidé d’organiser les expérimentations en des périodes de plusieurs jours contigus, réparties au cours de l’année universitaire pour les étudiants de troisième année. À l’aide d’un livret qui détaillait le protocole à mettre en œuvre pour purifier et caractériser une enzyme, les étudiants disposaient de plusieurs jours dans un laboratoire pour mettre en œuvre les différentes manipulations. Cet apprentissage de la biochimie par immersion combine différentes techniques de purification au cours de journées successives de laboratoire, la caractérisation de l’enzyme purifiée et une approche de cinétique enzymatique. À la fin des périodes de laboratoire, les étudiants devaient rédiger un article, présenté sous forme de publication dans une revue de biochimie. Cette stratégie a été mise en œuvre avec succès pendant plusieurs années (Karamanos, 2014) et a inspiré d’autres enseignants qui ont à leur tour conçu des expériences pour les étudiants de premier cycle dans leurs établissements (Brunauer, 2016 ; Carolan & Nolta, 2016).
Toutes les approches basées sur les compétences se différencient des approches basées sur les connaissances disciplinaires, en se concentrant plutôt sur ce que les étudiants apprennent à faire avec les connaissances (savoir-agir) plutôt que sur les connaissances elles-mêmes (Anderson-Levitt, 2017). La définition suivante de la compétence, proposée par Jacques Tardif, a été retenue pour le projet LCeR : « La compétence est un savoir-agir complexe, fondé sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes au sein d’une famille de situations » (Tardif, 2006). Selon les situations, la personne compétente mobilise et combine ces ressources de manière particulière. Elle les met en interaction au service d’une action efficace. Selon le même auteur, « une ressource est dite interne dans la mesure où elle concerne ce que la personne maîtrise déjà, tant en termes de cognition qu’en termes d’attitudes et de comportements, alors qu’une ressource externe concerne ce que la personne consulte, examine et analyse dans son environnement » (Tardif, 2019).
En APC, le référentiel de compétences constitue la colonne vertébrale de la formation. Il indique ce qui est attendu des étudiants pendant et à la fin de leurs études. On peut le lire (Figure 2) en une phrase (Poumay & Georges, 2022) : la compétence est un savoir-agir complexe, qui comprend des qualités, des exigences observables (les composantes essentielles, qui rendent compte de la complexité et qui caractérisent la façon de mettre en œuvre la compétence), qui se développe dans des contextes proches de la réalité professionnelle (familles de situations professionnelles), en adoptant des postures ou des responsabilités (niveaux de développement) de plus en plus complexes, qui nécessitent des apprentissages transformationnels (les apprentissages critiques). Ces apprentissages sont provoqués par des mises en situation tant dans le cadre de la formation que dans le milieu professionnel (situations d’apprentissage et d’évaluation), qui font appel à la mobilisation de nombreux savoirs, savoir-faire, savoir-être ou attitudes (ressources).
Un autre point central de l’APC est la mise en place de situations d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ). Une SAÉ est une tâche authentique consciemment organisée pour permettre le développement et l’évaluation d’une compétence. Elle demande de réaliser une action ou une production proche de celles exigées d’un professionnel (Poumay & Georges, 2022). Pour réussir une SAÉ, l’étudiant doit avoir la possibilité de faire des choix, de décider, d’agir et de fournir un retour réflexif. Un cercle vertueux doit s’établir jusqu’à l’obtention du résultat souhaité (Figure 3).
Ce retour d’expérience présente la mise en œuvre d’une démarche APC pour des expérimentations en biochimie auprès d’étudiants en dernière année de licence en Sciences de la Vie à la Faculté des Sciences de l’Université d’Artois. Deux compétences seront considérées, « Mener une démarche scientifique expérimentale » et « Exploiter des données scientifiques » (doc DC 1).
1. Méthodologie
La réussite de l’APC nécessite la bonne préparation des étudiants et leur accompagnement tout au long de leur démarche. La mise en place des ateliers a été inspirée par les travaux de Marianne Poumay (Poumay et al., 2017, 189). La frise chronologique (Figure 4) présente le déroulé des SAÉ au cours de l’année académique. Les périodes en laboratoire pour les expérimentations sont précédées par des ateliers pour la préparation des étudiants (appropriation du référentiel et présentation des SAÉ), pour la place du portfolio dans l’évaluation (consignes de rédaction, e-Portfolio et notions de trace/preuve) et pour l’auto-évaluation (grille d’évaluation).
Plusieurs ateliers ont été mis en œuvre pour les accompagner avant (appropriation du référentiel des compétences), pendant (portfolio) et après la mise en œuvre des SAÉ (autoévaluation).
Deux SAÉ contribuent au développement de deux compétences. La SAÉ 1 « Évaluer le rôle de l’enzyme lactate déshydrogénase » contribue au développement de la compétence C1 « Mener une démarche scientifique expérimentale » et la SAÉ 2 « Rédiger un article scientifique » au développement de la compétence C2 « Exploiter des données scientifiques » (doc DC 1). Les deux SAÉ sont liées dans le sens où la SAÉ 2 exploite les données scientifiques produites lors de la SAÉ 1.
Durant la SAÉ 1, les étudiants sont placés dans des conditions de travail imitant celles d’un laboratoire de recherche pour développer un projet visant à évaluer le rôle biologique de deux isoformes de l’enzyme lactate déshydrogénase (LDH) issue de muscles squelettique et cardiaque. Ils doivent proposer des protocoles de purification et de caractérisation de ces deux isoformes. Les actions à réaliser en laboratoire sont sélectionnées d’une part en fonction de différentes ressources : cours, ouvrages, analyse de la littérature et d’autre part du matériel et réactifs disponibles dans le laboratoire dont le contenu est présenté dans la « boite à outils » mise à disposition dans Moodle
2. Résultats et discussion
Lors de la mise en œuvre de la démarche, l’équipe pédagogique a adopté un suivi continu des activités par l’analyse des actions et des retours réflexifs. Pour étudier les effets des changements introduits dans les pratiques pédagogiques, nous avons observé le taux de réussite des étudiants, la corrélation des notes par rapport à celles du semestre, nous avons recueilli les perceptions de l’équipe enseignante ainsi que celles des étudiants. Le suivi des perceptions, à l’aide d’une enquête de satisfaction, permet de mieux comprendre le regard que portent l’équipe pédagogique et les étudiants sur les pratiques inédites. Il a été demandé à l’équipe pédagogique de décrire ses perceptions sous forme de texte libre. Le questionnaire d’évaluation par les étudiants de la mise en œuvre de l’APC comprenait des questions sur le portfolio, l’article et la satisfaction générale.
Par rapport à une formation dite « académique », centrée sur le contenu, deux différences principales apparaissent dans le cas d’une formation basée sur l’APC, d’une part le contexte d’apprentissage qui permet le développement des compétences et l’acquisition d’apprentissages critiques et d’autre part, les moyens et modalités d’évaluation (Figure 5). Dans l’APC, les SAÉ doivent être aussi authentiques que possible, aussi proches que possible des situations professionnelles. L’étudiant doit choisir et combiner ses ressources, produire, justifier et critiquer ses actions.
Lors de la version des expérimentations avant la mise en œuvre de l’APC, les étudiants disposaient d’un livret décrivant les expériences qu’ils devaient réaliser en laboratoire. La préparation des étudiants avant la période de laboratoire consistait à analyser, individuellement, le protocole fourni et à être capables d’expliquer pourquoi l’équipe pédagogique avait proposé ce protocole.
Dans la version APC, lors de la SAÉ 1, les étudiants doivent choisir et décider de la manière dont ils vont s’y prendre pour atteindre l’objectif « Évaluer le rôle biologique de l'enzyme LDH » et organiser en conséquence leurs actions en laboratoire. Mais d’abord, les étudiants doivent être formés à cette nouvelle approche pédagogique. La compréhension de l’APC n’est pas innée. Plusieurs ateliers ont été mis en place pour accompagner les étudiants.
Les ateliers sont programmés à différents moments que nous avons jugés les plus pertinents pour le bon déroulement (Figure 4) et pour respecter le cercle vertueux – Choisir/Décider-Agir-Retour réflexif – pour une SAÉ réussie. Le premier semestre est organisé en 13 semaines entre septembre et décembre. Les deux premières périodes d’expérimentations sont programmées sur les semaines 8 et 12 du premier semestre. La troisième période en laboratoire est organisée au cours du deuxième semestre. Les étudiants doivent soumettre leur version finale de l’article deux semaines avant l’entretien individuel oral.
2.1. Mise en œuvre des ateliers
2.1.1. Atelier d’appropriation du référentiel des compétences
L’atelier est organisé en quatre parties.
La première partie est consacrée à la comparaison d’une formation basée sur l’APC avec une formation « académique » sur la base de la Figure 5. Nous mettons en avant les différences et similitudes entre les deux types et insistons sur la place centrale des SAÉ dans l’APC.
La deuxième partie met l’accent sur la place des SAÉ dans l’APC.
La troisième partie se concentre sur le référentiel des compétences qui seront développées lors des SAÉ. Avant de présenter le référentiel, les étudiants participent à une activité de brainstorming pour répondre à deux questions : (i) « Pour vous, que signifie mener une bonne démarche expérimentale (dans un laboratoire de recherche) ? » et (ii) « Pour vous, que signifie faire une bonne exploitation des données scientifiques (pour rédiger un article scientifique, en français) ? » Lors du brainstorming, les étudiants sont invités à répondre individuellement aux deux questions (Tableau 1) en essayant de dire si leur réponse porte sur (i) les procédures, (ii) les résultats attendus, (iii) les normes et/ou règles à respecter, et (iv) les interactions. De cette manière, les étudiants sont préparés à découvrir les éléments clés de la compétence. Afin de communiquer leurs idées, ils sont invités à remplir des post-it avec leurs idées, un post-it pour une idée, mais ils peuvent en utiliser plusieurs. Ensuite, les post-it sont apposés au tableau sur lequel les indicateurs des SAÉ (doc DC 2) sont projetés séquentiellement. Au cours de cette activité, les étudiants peuvent identifier la correspondance de leurs idées avec les indicateurs, et donc indirectement avec les composantes essentielles.
Une fois le brainstorming terminé, le référentiel des deux compétences (doc DC 1) développées lors des SAÉ est présenté aux étudiants. Il est accompagné de la phrase qui explique comment le lire (Figure 2).
La dernière partie se concentre sur l’évaluation du développement des compétences et la place du portfolio dans le processus d’évaluation, sans être exhaustifs puisque des ateliers spécifiques sont prévus pour ces aspects. Pour anticiper l’organisation de l’atelier portfolio, il est demandé aux étudiants de remplir pendant et après les périodes en laboratoire un tableau-bilan issu du document présentant les indicateurs des SAÉ (doc DC 2) pour répondre, pour chaque composante essentielle, aux questions : (i) « Qu’ai-je fait ? » et (ii) « En quoi cela correspond aux critères de qualité ? »
2.1.2. Atelier portfolio
Avant et pendant le travail en laboratoire, les étudiants doivent réfléchir à la manière dont ils peuvent répondre aux critères qualité (composantes essentielles). Pour les aider à trouver des idées, ils sont invités à renseigner un tableau-bilan. Les tableaux sont communiqués à l’équipe pédagogique via Moodle ou dans l’e-Portfolio. Le tableau 2 illustre la manière dont les étudiants ont répondu aux deux questions posées. Le but est de s’assurer que tous les critères qualité sont pris en compte, mais il peut conduire à une fragmentation. Pour cette raison nous demandons aux étudiants de faire la démonstration du développement de leur compétence sous forme d’un texte qui bien entendu se basera sur les éléments qu’ils auront réunis dans le tableau bilan.
L’atelier est organisé en trois parties.
Dans une première partie, l’équipe pédagogique donne un retour d’expérience général sur la façon dont les étudiants ont rempli le bilan.
La deuxième partie explique les consignes de rédaction du portfolio (doc DC 3.1) et la structure du e-Portfolio (Fig. 5) (doc DC 3.2). L’accent est mis sur l’importance de sélectionner les traces qui illustrent le mieux la manière d’obtenir les résultats (les livrables). Le portfolio décrivant le développement des deux compétences est complété par les étudiants au fil du temps à l’aide de KARUTA, version 2.4.1, un logiciel « open source » de construction de portfolios électroniques (https://karuta-france-portfolio.fr/). Le e-Portfolio est directement accessible via Moodle grâce à l’interopérabilité avec la plateforme KARUTA (protocole LTI 1.0/1.1). Le e-Portfolio est composé de deux parties, une par compétence, mais les étudiants sont libres d’établir des liens entre ces parties. Chaque partie comprend une première section avec la documentation à l’appui (consignes de rédaction du portfolio, indicateurs pour les SAÉ, grille d’évaluation). Une deuxième section comprend des champs à remplir avec (i) les livrables, (ii) la démonstration de la qualité, et (iii) les critiques. Les champs (ii) et (iii) peuvent être enrichis avec des fichiers texte, audio et vidéo, ainsi que des images et des liens URL. Au fur et à mesure de la rédaction, les membres de l’équipe pédagogique peuvent apporter des commentaires dans un champ dédié. Les étudiants peuvent également poser des questions ou envoyer un e-mail à l’équipe pédagogique. Une dernière section est consacrée à une auto-évaluation du développement des compétences par l’étudiant. Dans cette section, les étudiants peuvent ajouter leurs réflexions et cocher l’une des cases correspondant à « insatisfaisant », « satisfaisant », « remarquable » ou « excellent ».
Dans la dernière partie de l’atelier, les étudiants travaillent en binôme, sur les notions de « trace » et de « preuve », suivi d’une réunion plénière pour échanger les idées.
Le but de la rédaction du portfolio est de démontrer comment l’étudiant perçoit le développement de sa compétence. L’étudiant doit démontrer la qualité de sa démarche expérimentale et de l’exploitation des données scientifiques qu’il a générées et également les critiquer. Il doit avoir en tête les grilles d’évaluation (doc DC 4).
2.1.3. Atelier d’autoévaluation du développement des compétences
Cette activité est organisée une fois que les étudiants ont réalisé les expérimentations et ont commencé à remplir leur portfolio. L’atelier est organisé en trois parties.
Dans une première partie, l’équipe pédagogique donne un retour général sur les portfolios et décrit quelques exemples de contributions dans les portfolios avant de rappeler le contenu des grilles d’évaluation des compétences (DC 4).
Dans une première partie, au vu des éléments répertoriés dans les portfolios, les étudiants reçoivent un retour général et des exemples de contributions avant de passer aux autres parties de l’atelier que nous n’aborderons pas ici.
Le retour général met en évidence les points clés à prendre en compte :
(i) Démontrer le développement de sa compétence dans sa globalité (Action + réflexion sur l’action).
S’exprimer en « Je », parler de son action de manière active et distinguer son action de celle des autres.
(ii) Expliquer comment l’objectif a été atteint, quelles caractéristiques ont été découvertes et quelles preuves soutiennent cela.
(iii) Documenter la synergie objectif – résultats.
(iv) Pourquoi avez-vous agi de cette façon ? Était-ce pertinent ? Si oui, pourquoi ? Sinon, qu’auriez-vous fait différemment ?
(v) Penser à être précis et à mentionner les connaissances, compétences et attitudes exactes qui justifient vos décisions et vos actions : théorie, caractéristiques et usages du matériel, contenu des UE, etc.
(vi) Sélectionner les traces les plus pertinentes : insérer des captures d’écran dans le portfolio / copier-coller. Un commentaire est nécessaire pour cibler l’intérêt de la capture d’écran.
(vii) Rappel important : une preuve = une trace + une explication.
Les contributions des étudiants illustrent la richesse de leur réflexion. Certes, tout n’est pas parfait, mais c’est là tout l’intérêt du retour dans la dynamique d’amélioration. Une sélection de contributions, bonnes et moins bonnes, est présentée dans le Document Complémentaire (doc DC 5). Chaque exemple est suivi d’un paragraphe « Question(s) et conseil(s) » dans lequel l’équipe pédagogique apporte des éléments d’amélioration.
Dans la deuxième partie de l’atelier, la classe est divisée en deux groupes de 12 étudiants (6 binômes) pour le travail en laboratoire, un groupe travaillant avec l’isoforme LDH du muscle squelettique (groupe A), l’autre groupe travaillant avec l’isoforme LDH du muscle cardiaque (groupe B). Les étudiants travaillent en binôme, pour démontrer oralement le développement de leur compétence. Les binômes, pour cette activité, ne sont pas constitués sur la base de binômes lors des périodes en laboratoire. Chaque étudiant pose à l’autre des questions d’approfondissement, sur la base des retours généraux, et tente de faire apparaître les éléments à améliorer. Chaque étudiant dans un binôme présente ensuite ses lacunes/limites.
Situation : en laboratoire de recherche en « biologie-santé et pharmacie » SAÉ : Rôle de la LDH de muscle cardiaque et squelettique COMPÉTENCE : MENER UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE EXPÉRIMENTALE … | ||||
Composantes essentielles (critères qualité) | Indicateurs SAÉ | Qu’ai-je fait ? | En quoi cela correspond aux critères qualité ? | |
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Niveau | … dans une posture d’assistant ingénieur |
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Dans la dernière partie, le travail se poursuit en deux groupes, issus des groupes de laboratoire A et B. Chaque binôme s’exprime et partage ses manques/limites avec le groupe, suivi cette fois d’un échange collectif en vue d’identifier des pistes de régulation (et si c’était à refaire…). Un membre de l’équipe pédagogique est inclus dans chaque groupe en tant que facilitateur.
2.2. Mise en œuvre des SAÉ
Pour le travail en laboratoire, deux groupes de 12 étudiants (6 binômes) sont constitués, un groupe travaillant avec l’isoforme LDH du muscle squelettique (groupe A), l’autre groupe avec l’isoforme LDH du muscle cardiaque (groupe B). Pour la SAÉ 1, les expérimentations sont organisées en trois périodes (voir frise chronologique, Figure 4) d’une durée respectivement de trois, deux et trois jours. La période 1 est réservée à la purification de l’isoforme de LDH, à la mesure de l’activité de chaque fraction et au dosage des protéines. Les étudiants doivent formater les résultats en créant des figures et des tableaux, notamment un tableau de purification des protéines. Les résultats de chaque binôme sont présentés lors d’une réunion de restitution, deux semaines après cette période, afin de susciter les réactions des autres binômes et de l’équipe pédagogique. Lors de la période 2, les étudiants réalisent des électrophorèses pour suivre l’avancement de la purification et pour comparer leurs observations à celles qui apparaissent à la lecture du tableau de purification des protéines. La période 3 est consacrée à une étude cinétique des deux isoformes. Les résultats de chaque binôme sont discutés lors d’une réunion de restitution mixant les deux groupes, organisée la semaine suivant la période 3, pour révéler des différences dans les paramètres cinétiques des isoformes de LDH qui pourraient expliquer les différences de leur rôle physiologique dans le tissu correspondant. Après la mise en œuvre de l’APC en 2020-2021, nous avons constaté une meilleure organisation du temps et de l’espace de travail des étudiants lors des expérimentations, et une meilleure prise en compte des risques en laboratoire. Ce dernier aspect a été largement commenté dans les portfolios. Même si les binômes d’étudiants ont en commun leurs données, chacun doit formater les résultats à sa façon et rédiger son article individuellement.
2.3. Évaluation du dispositif
Le taux de réussite des étudiants n’a pas changé de manière significative avant et après la mise en œuvre de l’APC (2018-2019, 85,7 % ; 2019-2020, 67,7 % ; 2020-2021, 68,2 % ; 2021-2022, 71,7 % et 2022-2023, 70,8 %). La corrélation (r²) « notes à l’UE »/« note semestre » est stable pour les cinq années académiques (0,88-0,92).
Entre les ateliers sur le portfolio et l’auto-évaluation, les étudiants ont été interrogés (questionnaire Moodle) si, lors de la rédaction du portfolio pour démontrer leurs compétences, ils rencontraient certaines difficultés liées aux consignes ou aux notions de compétences, de composantes essentielles et de niveau. La réponse a été « oui » pour 65 %. Entre autres, ils ont déclaré qu’il y avait beaucoup d’attentes qu’ils ne parvenaient pas toujours à comprendre, qu’ils ne parvenaient pas à mettre de l’ordre dans leurs pensées, et que la difficulté réside dans l’identification des éléments réellement pertinents pour justifier les compétences, répondre à la question « En quoi cela correspond aux critères qualité ? »
L’évaluation finale des étudiants de la mise en œuvre de l’APC (doc DC 6) a donné les informations suivantes : parmi les étudiants, 95 % ont suivi les ateliers dédiés à l’APC, 65 % considèrent qu’ils étaient suffisamment préparés à l’APC, 90 % ont rempli le portfolio et 95 % ont soumis l’article. Leurs commentaires sur le portfolio (question Q05) confirment que malgré les difficultés à le remplir, les étudiants en ont compris l’intérêt. Exemples de commentaires : « Cela m’a permis de prendre du recul sur le travail réalisé et de voir l’évolution dans ma manière d’appréhender certaines situations mais aussi de manière plus large de voir les points d’amélioration dans ma façon de manipuler » ; « Cette activité m’a permis de comprendre ce qu’on attendait de moi lors des Travaux pratiques et notamment lors de la rédaction des comptes-rendus. De même, j’ai compris qu’il fallait toujours justifier nos choix dans les expériences ». Leurs commentaires sur l’article (question Q07) ont démontré leur intérêt pour cette activité. Exemples de commentaires : « La rédaction de l’article scientifique m’a pris beaucoup de temps, je sais que je peux encore m’améliorer de ce côté-là. Or c’est un bon exercice, car l’écriture de cet article nous permet de nous mettre dans la peau de vrais chercheurs. De plus, cela nous permet de développer des compétences sur ce sujet. » ; « J’ai retenu de cette rédaction la rigueur des "codes" qui régissent l’écriture d’un article scientifique. En effet, chaque détail doit être pris en compte afin de rendre la compréhension du texte plus facile et tout cela sans ambiguïté avec la citation des sources utilisées pour l’élaboration de cet article ». Leur degré de satisfaction quant à la mise en œuvre de ces activités (Fig. 6), est en adéquation avec leurs commentaires et avec le ressenti de l’équipe pédagogique.
Conclusions et perspectives
Nous avons souhaité analyser la perception de la mise en œuvre de l’APC pour réaliser les expérimentations en biochimie auprès d’étudiants en dernière année de licence Sciences de la Vie. Les activités que nous avons organisées sont en accord avec les six leviers pour améliorer l’apprentissage des étudiants de l’enseignement supérieur de Marianne Poumay (Poumay, 2014), à savoir (a) améliorer l’alignement pédagogique, (b) faire de l’étudiant un apprenant actif, (c) pour valoriser les activités, (d) augmenter le sentiment de maîtrise, (e) donner plus de contrôle à l’étudiant, et (f) introduire l’utilisation des TIC. Les six leviers sont rencontrés à travers les SAÉ que nous avons développées. Les étudiants ne sont plus de simples participants, ils prennent en charge leur formation dans un contexte au plus proche de la réalité professionnelle. Nous avons donné plus de sens à l’apprentissage de la méthodologie biochimique en la connectant à la vie réelle comme l’exprime la théorie de la motivation de Viau (Viau, 2009). Les ateliers et l’accompagnement continu par l’équipe pédagogique contribuent à l’appropriation de l’APC par les étudiants et garantissent leur réussite. Il existe plusieurs différences pour les membres de l’équipe pédagogique. Premièrement, la posture consiste à accompagner les étudiants dans le développement de leurs compétences. Une formation à l’APC est nécessaire pour comprendre le référentiel de compétences, concevoir les SAÉ et préparer leur mise en œuvre, concevoir des ateliers. Il est clair que cet effort constitue un investissement initial qui portera ses fruits pour toutes les années universitaires suivantes. L’évaluation des apprentissages se fait à travers l’évaluation du développement des compétences, et non plus à travers des examens écrits. L’évaluation individuelle des étudiants pour le développement des compétences se fait à travers des productions, un portfolio et un entretien oral. Une répartition différente du temps investi est nécessaire et une surcharge de travail a été constatée pour l’équipe pédagogique car l’évaluation des étudiants est individuelle, par exemple elle double le temps de lecture des articles et des portfolios. Cela met en évidence la nécessité de partager la charge de travail entre plusieurs membres de l’équipe pédagogique. Un aspect positif est le plaisir de voir les étudiants évoluer au fil du temps et s’épanouir au cours de leur formation. Un petit bémol est cependant à noter pour les étudiants, à savoir le fait que l’ensemble du programme de formation n’était pas encore construit sur le concept de l’APC, ce qui posait certaines difficultés d’adaptation aux étudiants puisqu’ils n’ont découvert l’APC qu’en début de troisième année de leurs études. Cela sera certainement corrigé à l’avenir lorsque le programme réformé sera entièrement appliqué.
Ce travail pionnier, réalisé pour les expérimentations de biochimie destinés aux étudiants de troisième année d’études, a ouvert la voie pour le déploiement de la démarche APC en licence Sciences de la Vie. Les auteurs de ce retour d’expérience sont conscients des limites d’une démonstration par l’étudiant de sa compétence dans le portfolio en se basant uniquement sur la réalisation d’une seule SAÉ. La mise en œuvre de l’APC à tous les niveaux du cursus doit être analysée les prochaines années pour évaluer ses retombées, en observant l’évolution des indicateurs de réussite et la perception des étudiants tout au long de la licence.
Remerciements
Nous avons bénéficié du soutien du projet LCeR ANR-18-NCUN-0030. YK a bénéficié au cours de l’année universitaire 2020-2021 d’un semestre de Congés pour Projet Pédagogique (CPP), pour développer les deux SAÉ. Nous souhaitons remercier Laurence Tilloy, responsable du cursus Sciences de la Vie, pour son soutien continu ; Sandrine Levasseur, technicienne du laboratoire de biochimie, pour sa contribution experte continue ; Audrey Ignelzi, conseillère pédagogique, Laboratoire de soutien aux Synergies Éducation-Technologie, Université de Liège pour l’accompagnement pédagogique dédié lors de la mise en œuvre des SAÉ ; Tabatha Duquenoy-Battel, conseillère pédagogique, Université du Littoral Côte d’Opale, pour la mise en place du e-Portfolio.
Liste des documents complémentaires (DC n)
Le lecteur doit être conscient que cette documentation correspond à l’état actuel de la mise en œuvre de la démarche. La mise en œuvre d’une APC doit être considérée comme un processus dynamique qui évolue au fil du temps. Il est probable que le référentiel, les composantes essentielles, les niveaux de développement et les apprentissages critiques soient ajustés à l’avenir. Ainsi, tous les documents doivent être considérés comme de simples exemples non contractuels.
DC 1. Référentiel de compétences
DC 2. Indicateurs des SAÉ
DC 3.1. Consignes de rédaction du portfolio
DC 3.2. Tutoriel d’utilisation du e-Portfolio
DC 4. Grilles d’évaluation des compétences
DC 5. Retour sur les portfolios
DC 6. Évaluation par les étudiants de la mise en œuvre de l’APC
Notes
- 1. Le fichier des contenus de la « boîte à outils » peut être obtenu sur demande auprès des auteurs.
- 2. Le fichier des « instructions aux auteurs » peut être obtenu sur demande auprès des auteurs.
Références
- Anderson-Levitt, K. (2017). Global Flows of Competence-based Approaches in Primary and Secondary Education. Cahiers de La Recherche Sur l’éducation et Les Savoirs, 16(1), 47–72. https://journals.openedition.org/cres/3010
- Brunauer, L. S. (2016). Purification and Electrophoretic Characterization of Lactate Dehydrogenase from Mammalian Blood: A Different Twist on a Classic Experiment. Journal of Chemical Education, 93(6), 1108–1114. doi:10.1021/ACS.JCHEMED.5B00713/ASSET/IMAGES/MEDIUM/ED-2015-007136_0003.GIF
- Carolan, J. P., & Nolta, K. V. (2016). A Two-Week Guided Inquiry Protein Separation and Detection Experiment for Undergraduate Biochemistry. Journal of Chemical Education, 93(4), 762–766. doi:10.1021/ACS.JCHEMED.5B00697/ASSET/IMAGES/MEDIUM/ED-2015-00697E_0005.GIF
- Karamanos, Y. (2014). Purification and Characterisation of Lactate Dehydrogenase: An Undergraduate Biochemistry Laboratory Experiment. Advances in Biochemistry, 2(1), 14. doi:10.11648/j.ab.20140201.13
- Poumay, M. (2014). Six leviers pour améliorer l’apprentissage des étudiants du supérieur. Revue Internationale de Pédagogie de l’Enseignement Supérieur, 30(1), 1–15. http://ripes.revues.org/778
- Poumay, M., Tardif, J., & Georges, F. (2017). Organiser la formation à partir des compétences.
- Poumay, M., & Georges, F. (2022). Comment mettre en œuvre une approche par compétences dans le supérieur ?
- Tardif, J. (2006). L’Évaluation des compétences.
- Tardif, J. (2019). Organiser la formation dans une logique de parcours : l’ADN de l’approche par compétences. Administration Éducation, 161(1), 49–54. doi:10.3917/ADMED.161.0049
- Viau, R. (2009). La motivation en contexte scolaire (2nd ed.).
Résumé
Ce retour d’expérience présente la mise en œuvre de l’approche par compétences (APC) dans le programme des Sciences de la Vie. Un travail pionnier a été réalisé pour les expérimentations destinées aux étudiants de troisième année de licence. Plusieurs ateliers ont été conçus pour aider les étudiants à s'approprier le référentiel de compétences, à situer la place du portfolio dans l’évaluation du développement des compétences et à s’auto-évaluer. L’évaluation par les étudiants de la mise en œuvre de l’APC a permis de recueillir leurs perceptions. Les étudiants ont exprimé des difficultés à s'approprier la démarche mais ont reconnu les efforts de l'équipe pédagogique pour leur apporter une assistance continue avant, pendant et après les activités. La formation et l’accompagnement de l’équipe pédagogique et des étudiants apparaissent comme des piliers pour la réussite de la mise en œuvre de l’APC. Les bénéfices sont évidents pour les étudiants puisqu'ils pourront se présenter sur le marché du travail en mettant en valeur leurs compétences plutôt que l'accumulation de leurs connaissances.
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